Le Mariage

Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni. – Matthieu XIX : 6.

Giotto di Bondone, Le Mariage de la Vierge, 1304-1306

Le Mariage à Saint-Étienne

Les couples fiancés, ou en voie de l’être, sont invités à se rapprocher d’un chanoine de leur choix afin d’être accompagnés dans leur discernement (voir la rubrique « contacts » sur la page d’accueil). Il est impératif de recevoir une instruction adaptée sur le sacrement du mariage, afin d’avoir pleinement conscience de la beauté, mais aussi des grandes responsabilités qu’implique un tel engagement indissoluble devant Dieu. La durée de ce cheminement varie selon les couples. Au cours des rendez-vous de préparation, les prêtres pourront également indiquer au couple les démarches administratives à accomplir dans la perspective du mariage.

Voici les grandes étapes de la préparation au mariage proposée à Saint Étienne _(auxquelles peuvent bien sûr se rajouter les lectures personnelles, et autres rendez-vous à fixer) :_
– Les rendez-vous de discernement : présentation de la préparation au mariage, entretiens séparés, prise de conseil
– Weekend de préparation au mariage organisé dans une maison religieuse (avec intervention de prêtres et de couples mariés expérimentés)
– Les soirées ou rendez-vous individuels sur des thèmes prédéfinis avec des textes à lire et des questions pour permettre des discussions fructueuses (3 avec le chanoine, 3 avec un couple)
– La retraite spirituelle dans les semaines qui précèdent le mariage
– La préparation de la cérémonie et les détails pratiques

Des retraites de discernement sont organisées une fois par an pour les jeunes couples cheminant vers le mariage.

Les mariages sont généralement célébrés le samedi et intégrés dans la liturgie de la messe votive de mariage. Il conviendra de s’organiser avec le prêtre pour les questions liturgiques (lieu de la célébration, service de l’autel, impression de livrets, chorale, fleurs, etc.).

Il convient de rappeler que le mariage civil n’a pas de valeur devant Dieu.

Sur toutes choses, j’exhorte les personnes mariées à l’amour mutuel que le Saint-Esprit leur recommande tant dans l’Écriture ; ce n’est rien de leur dire : aimez-vous l’un l’autre d’un amour naturel, car cet amour se trouve ailleurs que dans la société humaine : ni de leur dire encore, aimez-vous d’un amour humain et raisonnable, car les parents l’ont eu ; mais je leur dis après le grand Apôtre : Maris, aimez vos femmes, comme Jésus-Christ aime son Église ; et vous, femmes, aimez vos maris comme l’Église aime son Sauveur. Ce fut Dieu qui présenta Ève à Adam, et qui la lui donna pour femme ; c’est aussi la main de Dieu qui a préparé les sacrés liens de votre mariage, et qui vous a donné les uns aux autres ; pourquoi donc ne vous chéririez-vous pas d’un amour tout saint et surnaturel ? – Saint François de Sales.

Petit catéchisme du sacrement de Baptême (extrait du Compendium du Catéchisme de l’Église catholique)

337. Quel est le dessein de Dieu sur l’homme et sur la femme?

Dieu, qui est amour et qui a créé l’homme par amour, l’a appelé à aimer. En créant l’homme et la femme, il les a appelés, dans le Mariage, à une intime communion de vie et d’amour entre eux, « à cause de cela, ils ne sont plus deux, mais un seul » (Mt 19,6). En les bénissant, Dieu leur a dit : « Soyez féconds et multipliez-vous » (Gn 1,28).

338. Pour quelles fins Dieu a-t-il institué le Mariage?

L’union matrimoniale de l’homme et de la femme, fondée et structurée par les lois du Créateur, est ordonnée par nature à la communion et au bien des conjoints, à la génération et à l’éducation des enfants. Selon le plan originel de Dieu, l’union matrimoniale est indissoluble, comme Jésus Christ l’a affirmé : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » (Mc 10,9).

339. Comment le péché menace-t-il le Mariage?

À cause du premier péché, qui a causé aussi la rupture de la communion, donnée par le Créateur, entre l’homme et la femme, l’union matrimoniale est très souvent menacée par la discorde et l’infidélité. Cependant, dans son infinie miséricorde, Dieu donne à l’homme et à la femme la grâce de réaliser leur union de vie selon son dessein divin originaire.

340. Qu’enseigne l’Ancien Testament sur le Mariage?

Tout particulièrement à travers la pédagogie de la Loi et des prophètes, Dieu aide son peuple à faire mûrir progressivement en lui la conscience de l’unicité et de l’indissolubilité du Mariage. L’alliance nuptiale de Dieu avec Israël prépare et préfigure l’Alliance nouvelle, accomplie par le Fils de Dieu, Jésus Christ, avec l’Église, son épouse.

341. Quelle est la nouveauté apportée au Mariage par le Christ?

Jésus Christ a non seulement restauré l’ordre initial voulu par Dieu, mais il donne la grâce pour vivre le Mariage dans sa dignité nouvelle de sacrement, qui est le signe de son amour sponsal pour l’Église : « Vous, les hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ : il a aimé l’Église » (Ep 5,25).

342. Le mariage est-il une obligation pour tous?

Le mariage n’est pas une obligation pour tous. En particulier, Dieu appelle certains hommes et certaines femmes à suivre le Seigneur Jésus dans la voie de la virginité et du célibat pour le Royaume des cieux, les faisant renoncer au grand bien du mariage pour se soucier des choses du Seigneur et chercher à lui plaire. Ainsi ils deviennent le signe de la primauté absolue de l’amour du Christ et de l’ardente attente de sa venue glorieuse.

343. Comment se célèbre le sacrement de Mariage?

Puisque le mariage établit les conjoints dans un état public de vie dans l’Église, sa célébration liturgique est publique, en présence du prêtre (ou du témoin qualifié de l’Église) et des autres témoins.

344. Qu’est-ce que le consentement matrimonial?

Le consentement matrimonial est la volonté expresse d’un homme et d’une femme de se donner mutuellement et définitivement l’un à l’autre, dans le but de vivre une alliance d’amour fidèle et fécond. Étant donné que le consentement fait le Mariage, il est indispensable et irremplaçable. Pour rendre valide le Mariage, le consentement doit avoir comme objet le véritable Mariage; et il doit être un acte humain, conscient et libre, hors de toute violence et de toute contrainte.

345. Qu’est-il exigé quand l’un des époux n’est pas catholique?

Pour être licites, les mariages mixtes (entre un catholique et un baptisé non catholique) requièrent la permission de l’autorité ecclésiastique. Les mariages avec disparité de culte (entre un catholique et un non-baptisé) ont besoin d’une dispense pour être valides. Dans tous les cas, il est indispensable que les conjoints n’excluent pas la reconnaissance des fins et des propriétés essentielles du mariage, et que la partie catholique accepte les engagements, connus aussi de l’autre conjoint, de garder sa foi et d’assurer le Baptême et l’éducation catholique des enfants.

346. Quels sont les effets du sacrement de Mariage?

Le sacrement de Mariage crée entre les époux un lien perpétuel et exclusif. Dieu lui-même ratifie le consentement des époux. Ainsi, le mariage conclu et consommé entre baptisés ne peut jamais être dissout. D’autre part, le sacrement donne aux époux la grâce nécessaire pour parvenir à la sainteté dans la vie conjugale, et dans l’accueil responsable et l’éducation des enfants.

347. Quels sont les péchés qui sont gravement contre le sacrement de mariage?

Ce sont : l’adultère; la polygamie parce qu’elle s’oppose à l’égale dignité de l’homme et de la femme, à l’unité et l’exclusivité de l’amour conjugal; le refus de la fécondité, qui prive la vie conjugale du don des enfants; et le divorce, qui va contre l’indissolubilité.

348. Quand l’Église admet-elle la séparation physique des époux?

L’Église admet la séparation physique des époux lorsque leur cohabitation est devenue, pour des motifs graves, pratiquement impossible, même si elle souhaite leur réconciliation. Mais aussi longtemps que vit son conjoint, aucun des époux n’est libre de contracter une nouvelle union, à moins que leur mariage ne soit nul et déclaré tel par l’autorité ecclésiastique.

349. Quelle est la position de l’Église à l’égard des divorcés remariés?

Fidèle au Seigneur, l’Église ne peut reconnaître comme Mariage l’union des divorcés remariés civilement. « Celui qui renvoie sa femme pour en épouser une autre est coupable d’adultère envers elle. Si une femme a renvoyé son mari pour en épouser un autre, elle est coupable d’adultère » (Mc 10,11-12). À leur égard, l’Église fait preuve d’une sollicitude attentive, les invitant à une vie de foi, à la prière, aux œuvres de charité et à l’éducation chrétienne de leurs enfants. Mais aussi longtemps que dure leur situation, qui est objectivement contraire à la loi de Dieu, ils ne peuvent recevoir l’absolution sacramentelle, ni accéder à la communion eucharistique, ni exercer certaines responsabilités dans l’Église.

350. Pourquoi la famille chrétienne est-elle aussi appelée Église domestique?

Parce que la famille manifeste et révèle la nature de l’Église comme famille de Dieu, qui est d’être communion et famille. Chacun de ses membres, selon son rôle propre, exerce le sacerdoce baptismal, contribuant à faire de la famille une communauté de grâce et de prière, une école de vertus humaines et chrétiennes, le lieu de la première annonce de la foi aux enfants.

Le Mariage est un grand Sacrement, je dis en Jésus-Christ, et en son Église : il est honorable pour tous, en tous et en tout, c’est-à-dire, en toutes choses : pour tous, car les vierges même le doivent honorer avec humilité ; en tous, car il est également saint entre les pauvres et entre les riches ; en tout, car tout y est saint, son origine, sa forme, sa matière, sa fin et ses utilités. C’est l’état par lequel le Seigneur peuple la terre de ses fidèles adorateurs, pour en remplir le nombre de ses Élus dans le Ciel ; si bien que la conservation de son honnêteté et de sa sainteté est absolument nécessaire pour le bien de chaque état, qui en tire toujours sa prospérité. – Saint François de Sales.

Le Mariage d’après le serviteur de Dieu Prosper Guéranger (extrait de L’Année liturgique)

En ce jour consacré à Marie, nous ouvrirons le saint Evangile, et nous y lirons ces paroles : « Il se rit des noces à Cana de Galilée, et la Mère de Jésus était là (Jean II : 1). » Le récit sacré ajoute immédiatement que Jésus et ses disciples furent également invités à ces noces ; mais ce n’est pas sans une raison profonde que l’Esprit-Saint qui conduisait la main de l’Evangéliste a voulu qu’il lit d’abord mention de Marie. Il voulait nous apprendre que cette Mère des hommes étend sa protection sur l’alliance conjugale, quand cette alliance est contractée sous les yeux et avec la bénédiction de son fils.

Le Mariage est grand aux yeux de Dieu lui-même. Il l’établit dans le Paradis terrestre en faveur de nos premiers parents encore innocents, et il en détermina dès ce jour les conditions, déclarant que l’unité serait sa base, que la femme n’appartiendrait qu’à un seul homme, et l’homme qu’à une seule femme ; mais il ne manifesta pas dès lors le type glorieux que cette noble unité devait reproduire. Ayant résolu de faire sortir d’une même souche, par génération successive, tous les membres delà famille humaine, à la différence des Anges qui n’ont pas procédé les uns des autres, mais ont été créés simultanément, le Créateur a compté sur le Mariage pour l’accomplissement de ses desseins. Les élus dont il veut former sa cour dans les cieux, qui doivent renforcer les rangs des Esprits bienheureux décimés par la défection des anges déchus, c’est par le Mariage qu’il les obtiendra. Aussi le bénit-il, aux premiers jours du monde, d’une bénédiction permanente qui, comme nous l’enseigne l’Eglise dans la sainte Liturgie, « n’a été enlevée ni par la sentence que le Seigneur prononça à l’origine contre l’homme pécheur, ni par les eaux vengeresses du déluge (Missel romain. Oraison sur l’épouse). »

Mais avant même que ce second châtiment tombât sur notre race coupable, dans le cours de cette première période où « toute chair avait corrompu « sa voie (Genèse VI : 12) », le Mariage déchut de l’élévation où le Créateur l’avait placé. Détourné de sa noble fin, abaissé au niveau d’une vulgaire satisfaction pour les sens, il perdit l’unité sacrée qui faisait sa gloire. La polygamie d’une part, le divorce de l’autre, vinrent lui enlever son caractère primitif: de là l’anéantissement de la famille honteusement sacrifiée au plaisir, de là aussi la dégradation du rôle de la femme, réduite à n’être plus qu’un objet de convoitise. La grande leçon du déluge n’arrêta pas cette décadence chez les petits-fils de Noé; elle ne tarda pas à reprendre son cours, et la loi de Moïse n’eut pas en elle-même l’énergie nécessaire pour faire remonter le Mariage à la dignité de son institution première.

Il fallait pour cela que le divin auteur de l’alliance conjugale descendît sur la ferre. Lorsque les misères de l’humanité furent arrivées à leur comble, il parut au milieu des hommes, ayant pris en lui-même leur nature, et il déclara qu’il était l’Epoux (Matthieu IX : 15), celui que les Prophètes et le divin Cantique avaient annoncé comme devant un jour prendre une Epouse parmi les mortels. Cette Epouse qu’il s’est choisie, c’est la sainte Eglise, c’est-à-dire l’humanité purifiée par le Baptême et ornée des dons surnaturels. Il l’a dotée de son sang et de ses mérites, et il se l’est unie pour l’éternité. Cette Epouse est unique ; dans son amour, il l’appelle de ce nom : « mon unique (Cantique VI : 8) ». Et elle ne saurait non plus avoir d’autre Epoux que lui. Ainsi est révélé le type divin de l’alliance conjugale qui, comme nous l’enseigne l’Apôtre, puise son mystère et sa grandeur dans l’union du Christ avec son Église (Éphésiens V : 32). La fin de ces deux alliances est commune, et elles s’enchaînent l’une à l’autre. Jésus aime son Eglise d’un amour d’Epoux; mais son Eglise procède du mariage humain qui lui donne ses fils, et la renouvelle sans cesse sur la terre. Jésus devait donc relever le Mariage, le ramener à ses conditions primitives, l’honorer comme le puissant auxiliaire de ses desseins.

D’abord, ainsi que nous l’avons vu au deuxième Dimanche après l’Epiphanie, lorsqu’il veut inaugurer son ministère par le premier de ses miracles, il choisit la salle nuptiale de Cana. En acceptant l’invitation de paraître à des noces auxquelles déjà sa Mère avait été conviée, on sent qu’il vient relever par sa divine présence la dignité du contrat sacré qui doit unir les deux époux, et que l’antique bénédiction du Paradis terrestre se renouvelle en leur faveur. Maintenant qu’il a commencé à se manifester comme le Fils de Dieu auquel la nature obéit, il va ouvrir sa prédication. Ses enseignements qui ont pour but de ramener l’homme aux fins de sa création, s’appliqueront souvent et expressément à la réhabilitation du Mariage. Il proclamera le principe de l’unité, en faisant appel à l’institution divine. Il répétera avec autorité la parole du commencement : « Qu’ils soient deux « dans une même chair » ; deux et non trois, et non dix. Proclamant l’indissolubilité du lien sacré, il déclarera que l’infidélité de l’un des époux outrage ce lien, mais qu’elle ne saurait le rompre; car, dit-il, « l’homme ne saurait séparer ce que Dieu même a uni (Matthieu XIX : 6) ». Ainsi est rétablie la famille dans ses véritables conditions; ainsi est abrogée la liberté dégradante de la polygamie et du divorce, monuments de la dureté du cœur de l’homme qui n’avait pas vu encore son Rédempteur. Ainsi fleurira l’alliance de l’homme et de la femme, alliance où tout attire, où rien ne repousse la grâce d’en haut, alliance féconde à la fois pour l’Eglise de la terre et pour celle du ciel.

Cependant, la munificence de notre divin Ressuscité à l’égard du Mariage ne se borne pas à en renouveler l’essence altérée par la faiblesse de l’homme. Il  veut faire bien plus encore. Ce contrat solennel et irrévocable par lequel l’homme prend la femme pour épouse, et la femme prend l’homme pour époux, il l’élève pour jamais à la dignité d’un Sacrement. Au moment où deux chrétiens contractent cette alliance qui les lie pour jamais, une grâce sacramentelle descend en eux, et vient serrer le nœud de leur union qui passe à l’instant même au rang des choses sacrées. A la vue de cette merveille, l’Apôtre s’écrie : « Qu’il est grand ce mystère dans lequel apparaît l’union même du Christ et de l’Eglise (Éphésiens V : 32) ! » Les deux alliances se réunissent en effet; le Christ et son Eglise, l’homme et la femme n’ont qu’un même but : la production des élus; c’est pour cela que le même Esprit divin les scelle l’une et l’autre.

Mais la grâce du septième Sacrement ne vient pas seulement serrer le lien qui unit pour jamais les époux; elle leur apporte en même temps tous les secours dont ils ont besoin pour remplir leur sublime mission. Elle verse d’abord dans leurs cœurs un amour mutuel « fort comme la mort, et que le torrent des eaux glacées de l’égoïsme n’éteindra jamais (Cantique VIII : 6-7) », s’ils persévèrent dans les sentiments du christianisme ; un amour mêlé de respect et de pureté, capable de commander, s’il le faut, à l’entraînement des sens; un amour que les années n’affaiblissent pas, mais épurent et développent ; un amour calme comme celui du ciel, et qui dans sa mâle tranquillité s’alimente souvent et comme sans effort des plus généreux sacrifices. La grâce sacramentelle adapte en même temps les époux au grand ministère de l’éducation des enfants que le ciel leur prépare. Elle leur apporte un dévouement sans limites à ces fruits bénis de leur union, une patience toute de tendresse pour attendre et faciliter leur croissance dans le bien, un discernement qu’inspire la foi seule pour apprécier ce qui convient à leur âge et aux tendances qui se révèlent en eux; le sentiment constant de la destinée immortelle de ces êtres chéris dont Dieu veut faire ses élus; enfin la conviction intime qu’ils lui appartiennent avant d’appartenir aux parents dont il s’est servi pour leur donner la vie.

Telle est la transformation opérée par la grâce du Sacrement de Mariage dans l’état conjugal; telle est la révolution que la loi chrétienne fit éclater au sein du monde païen, chez lequel un brutal égoïsme avait étouffé le sentiment de la dignité humaine. Le Christianisme venait révéler, après tant de siècles de dégradation, la vraie notion du Mariage : l’amour dans le sacrifice, et le sacrifice dans l’amour. Il ne fallait pas moins qu’un Sacrement pour porter et maintenir l’homme à cette hauteur. Deux siècles ne s’étaient pas encore écoulés depuis la promulgation de l’Evangile, le droit païen était encore debout, plus impérieux que jamais, et déjà un chrétien traçait ainsi le tableau de la régénération du Mariage, au sein de cette société nouvelle que les édits impériaux proscrivaient, comme si elle eût été le fléau de l’humanité. « Où trouver, disait-il, des paroles pour décrire la félicité d’un mariage dont l’Eglise forme le nœud, que l’oblation divine vient confirmer, auquel la bénédiction met le sceau, que les Anges proclament, et que le Père céleste ratifie ? Quel joug que celui sous lequel se courbent deux fidèles unis dans une même espérance, sous la même loi et sous la même dépendance ! Tous deux sont frères, tous deux servent le même maître; tous deux ne sont qu’un dans une même chair, qu’un dans un même esprit. Ensemble ils prient, ensemble ils se prosternent, ensemble ils jeûnent; l’un l’autre ils s’instruisent, ils s’exhortent, ils se soutiennent. De compagnie on les voit à l’église, de compagnie au banquet divin ; ils partagent également les épreuves, les persécutions et les joies. Nuls secrets à se dérober, jamais d’isolement, jamais de dégoût. Ils n’ont pas à se cacher l’un de l’autre pour visiter les malades, pour assister les indigents ; leurs aumônes sont sans discussion, leurs sacrifices sans froissement, leurs pratiques pieuses sans entraves. Chez eux pas de signes de croix furtifs, pas de timidité dans leurs pieux transports, pas de muettes actions de grâces. Ils chantent à l’envi les Psaumes et les Cantiques, et, s’ils sont rivaux en quelque chose, c’est à qui chantera le mieux les louanges de son Dieu. Voilà les alliances qui réjouissent les yeux et les oreilles du Christ, celles auxquelles il envoie sa paix. Il a dit qu’il se trouverait où deux sont réunis ; il est donc là, et l’ennemi de l’homme en est absent (Tertullien, À son épouse, livre II, chapitre IX). »

Quel langage ! quel tableau ! comme l’on sent que le divin Sacrement a influé sur les relations de l’homme et de la femme, pour les avoir harmonisées déjà sur un tel plan ! Voilà le secret de la régénération du monde : la famille chrétienne était descendue du ciel, et elle s’implanta sur la terre. De longs siècles se passèrent durant lesquels, en dépit de la faiblesse humaine, ce type fut l’idéal admis universellement et dans la conscience et dans les institutions légales. Depuis, l’élément païen, que l’on peut comprimer, mais qui ne meurt jamais, a fait effort pour reprendre le terrain qu’il avait perdu, et il est arrivé à fausser de nouveau, chez la plupart des nations chrétiennes, la théorie du Mariage. La foi nous enseigne que ce contrat, devenu Sacrement, est du domaine de l’Eglise quant au lien qui le constitue; l’Eglise se l’est vu arracher au nom de l’Etat, aux yeux duquel la loi de l’Eglise n’est plus qu’un joug suranné dont la liberté moderne a affranchi l’humanité. Il est vrai que tout aussitôt la légitimité du divorce a fait irruption dans les codes, et que la famille est redescendue au niveau païen. La leçon n’a cependant pas été comprise. Le sens moral, préservé encore chez le grand nombre par l’influence séculaire du Mariage chrétien, a pu faire reculer de quelques pas sur ce terrain périlleux; mais l’inflexible logique ne saurait abdiquer des conséquences dont les prémisses ont été posées : parmi nous aujourd’hui, tel mariage est un lien éternel et sacramentel aux yeux de l’Eglise; ce même mariage aux yeux de l’Etat n’existe pas même; tel autre a valeur devant la loi civile, et l’Eglise le déclare nul devant la conscience du chrétien. La rupture est donc consommée.

Mais ce que le Christ a établi dans sa toute-puissance ne saurait périr : ses institutions sont immortelles. Que les chrétiens ne s’émeuvent donc pas; qu’ils persévèrent à recevoir de l’Eglise leur mère la doctrine des divins Sacrements, et que le saint Mariage continue à maintenir chez eux, avec les traditions de Ja famille établie de Dieu, le sentiment de la dignité de l’homme membre du Christ et citoyen du ciel. Ainsi ils sauveront la société peut-être ; mais à coup sûr ils sauveront leurs âmes, et prépareront le salut de leurs enfants.

En terminant cette semaine, et en méditant les grandeurs du divin Sacrement du Mariage, nous avons rencontré votre souvenir, ô Marie ! Le festin nuptial de Cana, où votre présence sanctifia l’union de deux époux, est l’un des grands faits du saint Evangile. Pourquoi donc, ô vous qui êtes le type inaltérable de la virginité, qui eussiez renoncé aux honneurs de Mère de Dieu plutôt que de sacrifier cette noble auréole, paraissez-vous en cette rencontre, sinon afin que les époux chrétiens aient toujours présente la supériorité de la continence parfaite sur le mariage, et que l’hommage qu’ils aiment à rendre à celle-ci assure pour jamais à leurs pensées et à leurs désirs cette chaste réserve qui fait la dignité et maintient la vraie félicité du mariage? C’est donc à vous, ô Vierge sans tache, qu’il appartient de bénir et d’honorer cette alliance si pure et si élevée dans ses fins. Daignez en ces jours la protéger plus que jamais, en ces jours où les lois humaines l’altèrent et la dénaturent de plus en plus, en même temps que le débordement du sensualisme menace d’éteindre chez un si grand nombre de chrétiens jusqu’au sentiment du bien et du mal. Soyez propice, ô Marie, à ceux qui ne veulent s’unir que sous vos regards maternels. Ils sont l’héritage de votre fils, le sel de la terre qui l’empêchera de se corrompre tout entière, l’espérance d’un avenir meilleur. Ô Vierge ! ils sont à vous ; gardez-les, et augmentez leur nombre, afin que le monde ne périsse pas sans retour.